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A quatre mains
16 avril 2008

De Molière à Kechiche

enfant_du_paradis Finie l’agrégation, ses fiches de grammaire apprises par cœur, ses règles de phonétique oubliées aussitôt qu’apprises sous l’amoncellement des mots en –isme (la palme aux « pré-post-modernistes jubilants » teintés de fidéisme-antique-scepticisme-idéalisme-modernisme sur lesquels je m’interroge encore) de certains cours…enfin, finis les écrits, plutôt. A voir pour la suite. Mais je m’émerveille d’ors et déjà devant le fait qu’il n’est visiblement pas nécessaire, pour faire un bon prof agrégé, de connaître le fonctionnement d’un établissement, le contenu des programmes du secondaire, la façon de transmettre un quelconque savoir et les obstacles qui peuvent se mettre en travers de ladite transmission. Non, non, non, inutile ! L’agrégatif préfère la (bonne ?) surprise. Et surtout, n’attendons pas de lui une telle curiosité, ça lui remettrait les pieds sur terre, et il risquerait de considérer avec un autre regard les distinctions au demeurant intéressantes entre pétrarquiens et pétrarquistes.

En attendant, la fin des écrits, c’est aussi la satisfaction de retourner au cinéma, de lire sans ficher et ô, joie, de redécouvrir qu’on peut lire un livre qui n’est pas inscrit dans un programme sans avoir mauvaise conscience. Pour ma part, j’ai vite été rattrapée par une idée qui me travaille depuis que j’ai vu La Faute à Voltaire, d’Abdellatif Kechiche. C’est la ressemblance frappante entre ses films, et les comédies de Molière. Comédie. A la fois désignation du théâtre dans son ensemble, et plus spécifiquement du genre « comédie », le terme est ambigu, or chez Kechiche, les deux idées sont présentes. Je m’explique. On rit, certes, mais en même temps, on sait que l’on a sous les yeux du théâtre, des rôles : celui d’un clandestin tunisien qui cherche à faire sa vie en France et qui pour cela se fait passer pour ce qu’il n’est pas, celui d’une jeune fille, Lydia, qui joue son rôle, et qui finalement ne joue pas plus avec la langue de Marivaux qu’avec celle de sa verve quotidienne, les rôles enfin d’une famille, avec ses haines ordinaires et ses sourires factices dans La Graine et le Mulet. Comédie aussi parce que c’est la joie qui, comme dans les comédies de Molière les plus ambiguës, se mêle à la tristesse, à l’injustice (celle vécue par un Misanthrope ou, quand on y pense, par un Monsieur de Pourceaugnac, sot, mais si humilié que le rire se fait gêne) si bien qu’elle n’est jamais une résolution satisfaisante. Comédie surtout parce que la fête est un point essentiel, une sorte de tension vers laquelle tout tend, et où l’émotion est à son comble. Mais si elle marque normalement le triomphe et la réunion, tout d’abord attendue, elle ne fait ici que déplacer, retarder et annoncer à la fois la séparation la plus âpre, comme un corps arraché soudain à la foule, l’étourdissement et le rire pour le silence et l’isolement. Comme celui d’Alceste parmi les petits marquis du Misanthrope. Comme Krimo. Comme Slimane.

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