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A quatre mains
5 novembre 2008

Feuillet pour futures mamans

P10

Allée au laboratoire pour mes examens du 6ème mois de grossesse, je sors toute joyeuse d’avoir avalé mes 50g de glucose (corvée accomplie). La personne à l’accueil me donne avec le sourire une pochette intitulée « en attendant bébé, mon livret laboratoire pour suivre ma grossesse ».

A l’intérieur, de la publicité, encore de la publicité, et un livret de quelques pages ayant pour titre « en attendant bébé, préparer la maison et l’équipement de bébé ». Je l’ouvre, et là, je trouve un bel échantillon des conceptions assénées aux mères comme évidentes, et qui façonnent discrètement mais sûrement la manière dont on pense chez nous, et donc dont on fait avec nos petits. Par un brillant usage du futur simple, les choses sont expliquées de façon si catégorique, et naturelle, qu’il est évident qu’on ne peut les concevoir qu’ainsi. Tandis que les alternatives existantes ne sont pas présentées.

Le document est distribué dans une pochette portant le cachet du laboratoire appliqué dessus, et bénéficie ainsi de l’autorité « naturelle » du corps médical.

Bref, des messages incitant, volontairement ou non, mais en tous cas insidieusement, à penser « ce qu’il faut », et à considérer que tout parent procédant autrement serait original … ou ferait mal. Un bon outil de propagation  des idées reçues.

Donc, petit florilège :

• Nous sommes dans la rubrique « ses repas », et il est indiqué : « que vous allaitiez ou non, un jour ou l’autre vous aurez besoin de biberons et du matériel de stérilisation ». Après un développement sur le délicat choix des biberons et tétines, et la nécessité de disposer de 6 biberons, arrive le paragraphe sur « la stérilisation ». On nous dit alors : « jusqu’à quatre mois, le nettoyage des biberons et des tétines ne suffit pas. La stérilisation est recommandée voire indispensable.»

Si je comprends bien, j’aurai besoin de stériliser des biberons même si j’allaite, alors que la stérilisation n’est utile que jusqu’à 4 mois. Donc, forcément, j’aurai donné des biberons avant 4 mois. Voilà qui est si imparable, si naturel, que seul ce ton affirmatif convient ; pas besoin d’utiliser un mode d’expression qui laisse envisager d’autres possibilités.

Pourtant, des bébés qui n’ont jamais eu de bib, j’en connais. Soit que l’allaitement au sein exclusif ait duré assez longtemps pour cela, soit que le petiot ait bu du lait dans d’autres accessoires, que ce soit du lait maternel ou du lait infantile, pour éviter les désagrément liés à la cohabitation du biberon et de l’allaitement au sein.

Quant au stérilisateur, je ne m’en suis jamais servi pour Fils-Deuxième-Né. Il a bien eu des biberons avant quatre mois, mais uniquement de mon lait. Il ne m’a pas été recommandé dans ce cas de stériliser.

J’ai beau retourner le fascicule dans tous les sens, pas de trace de son auteur. Pub déguisée (mais oui, je vous le jure, il est IN-DIS-PEN-SA-BLE que vous courriez dès maintenant acheter biberons et stérilisateur) de vendeurs de matériel de puériculture ou de lait infantile ? Ou seulement message tendancieux d’anonymes dispensateurs de conseils comme les mères ont la chance d’en rencontrer souvent ?

• Suite de ma lecture : « passée la période de l’allaitement, les repas de bébé demandent très vite un séreux équipement. Autant prévoir … Jusqu’à quatre mois, votre bébé se nourrira de lait. Trois possibilités s’offrent à vous : sein (l’idéal !), biberon ou combinaison des deux. Le choix vous revient. L’allaitement maternel reste la meilleure solution. » Vient ensuite « Le lait. Si vous ne pouvez ou ne voulez pas allaiter ou lorsque vous commencerez le sevrage de bébé, les laits infantiles procurent au bébé absolument tout ce dont il a besoin. » Plus loin, on nous explique, s’agissant des petits pots, que la diversification commence « dès quatre mois ».

D’abord sur le fait que l’allaitement maternel est « la meilleure solution ». C’est assez déplacé je trouve. Puisque le choix revient aux mères, selon le feuillet, pourquoi écrire ce genre de chose ? La juxtaposition des commentaires me semble porter un jugement de valeur sur les choix personnels des mères, voire être culpabilisante.

Ensuite, sur les laits infantiles. Leur utilisation lors du sevrage n’a rien d’automatique, puisque le sevrage peut avoir lieu progressivement quand le bébé commence à être diversifié, de telle sorte qu’il se nourrisse de « solides » au fur et à mesure du sevrage, sans passer par le lait infantile. Ou bien donner du lait maternel tiré et éventuellement congelé. J’ai testé, ça marche.

Quant à la diversification, rien n’oblige à la commencer à 4 mois. Les mentions d’âge portées sur les petits pots ne sont pas des dogmes. Rappelons que l’OMS préconise un allaitement exclusif jusqu’aux 6 mois de l’enfant, et partiel jusqu’à 2 ans (voir par exemple : résolution OMS : http://assoc.ipa.free.fr/international/fa54r2.pdf - explications sur les résolutions de l’OMS : http://assoc.ipa.free.fr/international/resolutions.htm ) Une des raisons évoquées est la lutte contre l’obésité.

Voilà donc l’ensemble du document remis par le laboratoire discrètement conforme au discours bien répandu : vous allaitez votre nourrisson : sourires attendris, « ha ! Comme c’est beau » … Sinon, vous ne faites pas « l’idéal » pour votre bébé. Vous avez peut-être la malchance de faire partie des nombreuses mères qui n’ont pas assez de lait. Mais attention, n’oubliez pas qu’à 4 mois vous serez passée aux biberons. Sinon, c’est très suspect. Oubliées les vertus de l’allaitement. Il s’agit maintenant de ne pas sombrer dans la fusion, de rendre son bébé autonome le plus vite possible (pour son bien, bien sûr), et de se libérer de ce petit être assoiffé de contacts. Et avec le sourire s'il vous plaît. Sur ce sujet, je suis experte, j’en ai vraiment entendu de toutes les sortes.

Si l’on veut favoriser l’allaitement, ce n’est pas à mon avis avec des commentaires culpabilisants sur le choix des mères que l’on peut y arriver. Mais en donnant une information pertinente et complète, un soutien à celles qui désirent allaiter, au lieu de les désinformer avec des lieux communs erronés, de les décourager, et de leur conseiller le biberon à la moindre occasion (fatigue, réveils nocturnes, coliques, douleurs au sein …). Bref, bien loin de ce qui se passe souvent.

  La première rubrique, intitulée « sa chambre », comprend un paragraphe « berceau ou petit lit ». Lors de recommandations sur le choix du lit, rien sur les aménagements permettant d’accoler le lit du bébé à celui des parents. Un oubli ? Rien plus généralement sur l’intérêt de prévoir un endroit où s’installer la nuit pour allaiter son bébé couchée, voir en dormant. Un autre oubli ? Pourtant, pour avoir testé, c’est autrement plus reposant que d’allaiter assise, ou de faire un bib en pleine nuit. Puisque l’allaitement est « l’idéal », pourquoi ne pas évoquer ces aménagements qui participent à un allaitement réussi ? Ou d’ailleurs même sans allaitement, qui favorisent dans certaines familles le sommeil de petits et grands. Prise de positon non explicite, ou méconnaissance ?

  Enfin, à la fin du feuillet, l’on trouve : « des langes pour votre petit ange … Les changes-complets actuels sont assurément la solution la plus pratique. » Si c’est la solution la plus pratique, ça doit être qu’il en existe de moins pratiques. Lesquelles ? Pourquoi choisir à la place des gens ce qui est le plus pratique, ou ce qui est le plus adéquat pour eux, en fonction de leurs préoccupations, en n’évoquant qu’une possibilité ? Les couches lavables sont par exemple souvent ravissantes, avec un coût de revient final moindre que les jetables … Leur aspect écologique est souvent évoqué.

*          *          *

Ce document n’est qu’un exemple des «informations » que l’on peut lire dans les magazines, notamment ceux abondamment distribués dans les maternités et autres lieux fréquentés par les futures et nouvelles mères, ou que l’on entend souvent dans les médias.

Ils alimentent et renforcent les idées reçues, source des sentences que savent très bien asséner les proches et moins proches, aux mères dans la difficulté, voire dans la souffrance (et ce mot n’est pas trop fort), lorsque les choses ne se passent pas « bien » avec leurs tout-petits et que leurs façons de voir ne sont pas dans la norme présentée par ces magazines. Une façon efficace de renforcer la détresse des mères.

Je commence à avoir pas mal d’expérience sur ce sujet.

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