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A quatre mains
3 novembre 2009

Ecrire la disparition

enfants_du_paradis
"Ce n'est pas, comme je l'ai longtemps avancé, l'effet d'une alternative sans fin entre la sincérité d'une parole à trouver et l'artifice d'une écriture exclusivement préoccupée de dresser ses remparts: c'est lié à la chose écrite elle-même, au projet de l'écriture comme au projet du souvenir.
Je ne sais pas si je n'ai rien à dire, je sais que je ne dis rien; je ne sais pas si ce que j'aurais à dire n'est pas dit parce qu'il est l'indicible (l'indicible n'est pas tapi dans l'écriture, il est ce qui l'a bien avant déclenchée), je sais que ce que je dis est blanc, est neutre, est signe une fois pour toutes d'un anéantissement une fois pour toutes.
C'est cela que je dis, c'est cela que j'écris et c'est cela seulement qui se trouve dans les mots que je trace, et dans les lignes que ces mots dessinent, et dans les blancs que laisse apparaître l'intervalle entre ces lignes (...). J'écris: j'écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j'ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps près de leur corps; j'écris parce qu'ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l'écriture: leur souvenir est mort à l'écriture; l'écriture est le souvenir de leur mort et l'affirmation de ma vie."

W ou le souvenir d'enfance
George Perec

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