Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
A quatre mains
26 avril 2010

Le souffle des fées

P10 Quatorze mois passés sans que je m’en aperçoive, délicieux et fugaces comme un souffle portant les odeurs du printemps.

Quatorze mois près de toi, à te regarder, à te humer.

Plus de 400 nuits à veiller sur tes rêves. Je ne peux le croire. Evolution dans un sens, dans un autre. Plus de sommeil, moins de sommeil. Plus de tétées de nuit, ou moins ... Immobilité ?

Le temps est fourbe et bienveillant. Du moins je le crois et je l’espère.

Je me demande comment je pourrais passer plus de quelques heures sans ton sourire, sans ton odeur. Une nuit entière sans te toucher.

Mais quand je vois tes frères partir en courant vers ce qui les appelle, sans réserve, joyeux, je suis juste heureuse et émerveillée de les voir si beaux et si grands. Aucune envie de les retenir. Juste profiter du spectacle qu’ils m’offrent. Pour eux, je me demande aujourd’hui comment rester sans plus sentir leur peau sous mes doigts quand ils seront adultes.

Il en sera pareil pour toi dans quelques temps. Pas à pas, sans m’en rendre compte. La magie est à l’œuvre, discrètement. Depuis que tu marches, tu désertes mes bras ; tu as beaucoup à faire. Voici des mois que je ne tire plus de lait les journées de travail. Ceci est indolore.

Un cheminement vers … vers quoi ? Le mot séparation ne me plait pas car il ignore le lien qui restera, je l’espère, au-delà de l’absence physique : la confiance, ma disponibilité pour toi et tes frères, la joie de pouvoir vous contempler parfois ou juste de savoir que vous êtes là, à vivre quelque part. L’on ne se sépare pas de son enfant, ou alors c’est que l’on est passé à côté de quelque chose. La langue française n’a-t-elle pas un mot qui convient ?

Un cheminement lent, certainement, mais je ne suis pas pressée. Les séparations (et cette fois le mot est adéquat) brusquées, imposées, ne sont que source de souffrance, et aucunement de progrès ; elles n’apportent rien. Le sevrage que je nous ai imposé, à ton frère et à moi, à ses deux mois, ne nous a procuré que de la peine. Il était en pratique inutile à nos vies, et je ne vois aujourd’hui, avec le recul, pas en quoi il était propice à le faire devenir un petit garçon serein et autonome.

Comment en suis-je aujourd’hui arrivée là pour tes frères, moi qui n’aspirais qu’à ne pas me séparer d’eux quand ils avaient ton âge ? C’est le simple déroulement du temps qui m’y a conduite, en rien les heures et les jours passées loin d’eux quand ils étaient bébés. Ces moments n’ont fait que créer un manque stérile et qui ne pourra pas être comblé.

Au contraire, on m’avait prédit que, étant donné ma façon de faire avec tes frères, jamais ils ne pourraient s’endormir seuls, jamais ceci, jamais cela. Bref, jamais ils ne seraient autonomes. C’était faux.

Aujourd’hui, tu tètes encore beaucoup, tu t’endors contre moi, tu t’éloignes peu de moi. Fais le, ça nous est permis. Arrivera le jour où tu n’en auras plus besoin, tu auras naturellement mieux à faire. Il est incontestable que cela arrivera, alors pourquoi ne pas attendre tranquillement, en savourant les plaisirs ? Je ne vois pas.

Un jour peut-être, je m’apercevrai que tu n’as pas tété depuis longtemps, et que cela ne coûte à personne. Toi, tu ne t’en rendras même pas compte. Ou alors tu diras tranquillement que tu ne veux plus téter, pour telle ou telle raison.

Mais sur ce point précis de l’allaitement, je suis à mi chemin entre la conviction et la prière ; si j’espère bien qu’il en sera ainsi pour toi, je doute que l’allaitement puisse se terminer pour moi de façon indolore. Bien sûr, sauf imprévu, j’aurai la satisfaction d’avoir réussi ce que je souhaitais en laissant l’allaitement s’éteindre par ta volonté. Alors je pourrai avoir l’esprit pleinement tranquille. Mais ne plus avoir ce qu’il me procure ne se fera probablement pas sans regrets pour moi. Quand je lis les témoignages dans lesquelles des mères, après un allaitement long, ont elles-mêmes envie que cela s’arrête, ou du moins y sont parfaitement prêtes, je suis pleine de convoitise. Pourtant, cela arrivera peut-être bien pour moi. Aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de guetter les symptômes du sevrage. Mais rien ne presse, et rien n’indique que les tétées doivent cesser bientôt.

Laissons le souffle des fées passer sur notre sommeil.

Publicité
Publicité
Commentaires
A quatre mains
Publicité
Archives
Publicité