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A quatre mains
23 novembre 2012

Je ne comprends pas

enfants du paradis Mon concours en poche, je me suis retrouvée, comme toutes celles et ceux qui l'avaient passé avec moi, TZR dans le 93. Pas vraiment effrayée, finalement, parce que mon lycée se trouvait entre deux cités et que j'y avais passé d'excellentes années, et parce que mes deux premières années d'enseignement m'avaient confortée dans l'idée que ce métier et bien... j'avais vraiment de la chance d'être payée pour le faire !

Au point de demander un poste fixe dans mon établissement de rattachement, parce que somme toute, si l'on oubliait les premiers lundis où je rentrais en pleurant, je me suis sentie utile, et j'ai vu les rapports avec les élèves évoluer au point de vouloir rester. Alors quand on a pu me dire : "Ah bon, tu es prof en ZEP en Seine-Saint-Denis ? Et ça va ?!", je répondais de façon rassurante que oui, finalement, on se fait à certaines choses, et que dans mon collège, les élèves, bien qu'évoluant perpétuellement dans un climat de violence, savaient intégrer certaines limites et nous voyaient malgré tout comme des adultes qu'il ne fallait pas atteindre.

Sauf que depuis un mois se succèdent des événements qui remettent totalement en question ma façon de voir les choses : deux collègues frappés par un ancien élève du collège devant ses grilles, une prof bousculée violemment par un... 6ème, une seconde dont le bras a été coincé dans une porte au point de lui abimer un tendon... 

Commentaire des élèves dans le premier cas : "Ils avaient qu'à pas intervenir, aussi !".

Commentaire de l'élève responsable pour le dernier : "Elle avait qu'à pas se mettre devant moi !".

Implacable.

Je ne sais pas ce qui me choque le plus : le fait que la direction ne nous ai prévenus que la première fois, et que rien n'ait été dit, qu'aucune heure n'ait été bloquée pour parler de la question les deuxième et troisième fois, le fait que les élèves trouvent à ce point cela normal, ou le fait que les deux derniers élèves responsables soient des élèves que j'ai quatre et six heures par semaine, et avec qui le clash est fréquent. Toujours est-il que cette impression de barrière infranchissable qui me rassurait quand j'évoquais le collège a  disparu, et que je ressens maintenant plus fortement chaque situation de violence, qu'elles me deviennent insupportables. Tout comme l'est le fait de devoir expliquer aux élèves ce qu'ont de problématiques les insultes permanentes qui ponctuent chacune de leurs phrases, les vols d'affaires rendues en étant jetées par terre, les coups sur la tête en passant dans les couloirs, les coups de pied dans les portes, les hurlements gratuits dans les escaliers et surtout, surtout, les regards méprisants, les "non" assénés haut et fort sous les regards amusés des autres quand on demande un carnet avant de se le voir jeté à la figure, les "Wesh vas-y il est quelle heure putain j'ai trop faim là t'as pas un truc à manger?" déclamés poliment en plein cours.

Alors certes, tout ceci se règle par des discussions, des mots, des punitions, des coups de fil aux parents (hmm...), des exclusions de cours, des rapports, des colles, des notes de vie de classe, bref, tout une armada de procédés prévus par le règlement intérieur.

Certes, je me suis blindée l'an dernier, et les Kevin de 2013 ne sont que les bis repetita des Kevin de 2012, comme ceux de 2011 avant eux, ce qui amène à relativiser beaucoup de choses, et à les regarder avec une certaine commisération.

Mais malgré tout, me faire ramener par la CPE un Y. exclu après une enième scène (je jette mon sac, je jette ma chaise, je sors dans le couloir en criant à l'injustice) et devoir donner devant lui ma version des faits pour savoir ce qu'il en est me met en rage. Surtout quand le lendemain, le même gamin bouscule et manque de frapper une collègue nouvelle venue. Bah tiens. Le pauvre, encore une injustice sans doute !

 

 Je ne comprends pas qu'on laisse passer ce genre de chose. Je ne comprends pas qu'on ne vienne pas tous dans la classe dire aux élèves que c'est inadmissible. Je ne comprends pas qu'on me demande encore de tolérer ses colères permanentes. Je ne comprends pas qu'on ne soit pas tous prévenus quand quelque chose de grave arrive. Je ne comprends pas qu'on continue nos cours comme si de rien n'était. Je ne comprends pas cette ambiance permanente de conflit, alors que les élèves eux-mêmes s'étonnent agréablement d'une heure qui se passe bien, et qui alors passe rapidement, dans l'écoute mutuelle. Je ne comprends pas et ce soir ça me met en colère, ça me rend triste pour ces deux collègues que j'apprécie beaucoup, et qui, elles, se remettent en question et se demandent ce qu'elles ont raté. 

 

 

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Commentaires
K
terrible, ce que tu racontes. Et pourtant, j'ai pitié de ces enfants, qui ne sont que des enfants, et qui sont dans un état de souffrance surement énorme pour être tout le temps en colère. Que leur est il arrivé ? Evidemment, le laxisme de la hiérarchie laisse perplexe. Comme si tout le monde s'en foutait. Et ces jeunes, que peuvent ils penser ? Que le collège, c'est la loi de la jungle ? Que de souffrances, finalement, à tous les niveaux.
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