Exposition Astérix à la BNF
Si vous avez envie de vous évader quelques heures, de retomber en enfance, de voir des gens qui sourient et de vous replonger dans des lectures réjouissantes, foncez à la BNF ! Il s'y tient en ce moment une excellente exposition sur Astérix et les autres habitants de ce village d'irréductibles gaulois. Très bien organisée, très bien présentée, elle est extrêmement riche (prévoyez trois heures si vous voulez vraiment tout lire, tout écouter). A prévoir par contre, un monde fou annoncé les week-end et mercredi après-midi (forcément...), visez donc plutôt la semaine si vous le pouvez. Mais la grande diversité du public de l'exposition fait aussi un de ses agréments. Toutes les générations s'y retrouvent !
C'est le don des planches originales de trois albums par Uderzo en 2011 qui motive semble-t-il le point de départ de cette exposition. De fait, elle nous propose tout un parcours permettant de découvrir les origines et évolutions du personnage, l'histoire de ses inventeurs, etc dans un circuit organisé en quatre temps.
Le premier nous présente les histoires respectives d'Uderzo et de Goscinny, qui semblaient en effet tout avoir pour se rencontrer. L'un comme l'autre sont fils d'immigrés (ukraino-polonais et italiens), naissant à une année d'écart, grandissant auprès des mêmes héros de papier (Les Pieds Nickelés, Mandrake, Prince Vaillant...) ou de pellicule (Buster Keaton, Laurel et Hardy, les Marx Brothers...), aimant faire rire... il n'est donc pas étonnant que les deux artistes, lorsqu'ils se rencontrent dans des agences belges où ils travaillent, sympathisent rapidement.
Chacun avait participé à de nombreuses publications (Goscinny travaillant notamment aux côtés de Sempé), développant son trait, mais les deux hommes, accompagnés de Jean-Michel Charlier et Jean Hébrard, prennent leur indépendance et fondent un syndicat, scindé en deux agences distinctes : Edifrance et Edipress. Ils développent ensemble les aventures d'Oumpah-Pah le Peau Rouge. Se trouve alors créé l'hebdomadaire pour la jeunesse Pilote, qui a pour consigne de s'inspirer de la culture française. Uderzo et Goscinny veulent alors s'atteler aux aventures du Roman de Renart, mais le filon ayant déjà été trouvé par Jean Trubert, ils orientent leur recherche vers la préhistoire, ou les ancêtres gaulois des petits Français. On peut voir dans l'exposition les tâtonnements de ces recherches d'inspiration. C'est finalement vers les Gaulois qu'ils se tournent.
Cela correspond à toute la construction d'un imaginaire national qui, depuis le Second Empire jusqu'à la Troisième République, s'était plu à voir dans les ancêtres gaulois un peuple fier (quoique barbare), ayant tenté de résister à l'extension impériale romaine. Rien d'aussi sérieux pourtant dans la création du personnage d'Astérix : "Le personnage a été inventé en deux heures par Uderzo et moi, dans un éclat de rire !" dit Goscinny en 1974. Il s'agit plutôt ici de prendre l'histoire à contre-pied et de construire un anti-héros, trop petit, pas très beau bien qu'audacieux et extrêmement sympathique. Il est dès le départ accompagné d'Obélix, et les autres personnages viendront peu à peu étoffer ce duo amusant, qui apparaît pour la première fois dans Pilote le 29 octobre 1959.
Esquisses pour les silhouettes d'Astérix et d'Obélix
Et vous, vous préférez lequel ?
L'exposition offre une présentation intéressante du travail de rédaction de chacune des aventures d'Astérix le Gaulois : tout d'abord une fiche servant à résumer les personnages, les lieux, les éléments principaux de la trames. Puis un synopsis construit en paragraphes (un paragraphe par planche) présente un résumé de l'histoire avec une description, une narration et l'essentiel des dialogues. Ce travail est présenté au dessinateur pour approbation. Enfin le scénario définitif, constitué de deux colonnes décrivant à gauche l'image de façon très précise, et à droite les dialogues.
L'histoire commence avec la reddition de Vercingétorix mais, comme on le sait, un village d'irréductibles Gaulois, au fin fond de l'Armorique, 50 ans avant JC, résiste encore et toujours à l'envahisseur romain. Cerné par les camps des centurions, le village est protégé par la potion du druide Panoramix et réunit toutes les figures attendues : un chef, un barde, un guerrier...
S'ouvre alors le deuxième temps de l'exposition, qui présente tous ces personnages. Vous y découvrirez une foule d'anecdotes sur les personnages, des planches choisies présentant les caractéristiques de chacun d'eux, mais aussi à chaque fois un objet d'époque renvoyant au personnage présenté (un casque, un sanglier en bronze, une stèle, un chaudron...) et donnant des informations sur les vérités historiques comme sur les anachronismes.
Saviez-vous que le nom d'Idéfix avait été trouvé par les lecteurs, suite à un concours ?
Une salle extrêmement bien conçue ! Plein de petites découvertes à faire partout, des planches originales, des enregistrements sonores, des extraits de vidéo, une maquette absolument géniale représentant le village et toutes sortes de scènes pittoresques (bagarre, banquet)... et un système de lumière imitant le jour et la nuit au village, l'éveil des oiseaux et des habitants !
Voici bien sûr le plus discret d'entre eux !
Mais les aventures d'Astérix, ce sont aussi des voyages à la découverte de l'Autre. Tout près, vers les quatre camps romains (et quand même, ils sont fous ces Romains !) :
Ou des voyages plus lointains, vers d'autres peuples, pour aider les leurs ou des connaissances qui sollicitent leur aide. Ils déambulent ainsi à travers toute l'Europe, mais aussi vers le Moyen-Orient, l'Inde...
Le troisième temps de l'exposition revient sur l'incroyable succès médiatique de ces aventures gauloises. Ce sont d'abord les traductions d'albums dans des dizaines de langues (et là, je ne vous cache pas que les deux profs de français d'UPE2A que nous étions nous sommes extasiées devant les multiples possibilités pédagogiques qui s'offraient à nous !) :
On découvre aussi de multiples unes de presse, des dossiers, des entretiens, des figurines, des publicités (et je peux vous dire que les années 90 et le minitel, c'était vraiment cruel. L'époque de toutes les folies capillaires !)...
Cette dernière partie de l'exposition est sans doute celle que j'ai la plus appréciée. Elle se donne pour objet de percer les secrets de la "potion d'Astérix", et nous en dévoile certains aspects sous une forme très ludique : jeux de mots (trois carnets plein de noms de personnages romains, gaulois ou étrangers tous faits d'expressions et autres jeux de langage), références multiples à des personnages célèbres (Gabin, Kirk Douglas, Raimu, Sean Connery...), à des tableaux, sculptures (le Penseur, le Radeau de la Méduse...), à des films (Ben Hur bien sûr !), à des citations littéraires (Cyrano de Bergerac, du Victor Hugo...), à des chansons (Trenet, Dutronc...), à d'autres personnages de la bande-dessinée (Dupond et Dupont, le Marsupilami, Achille Talon...). Le tout présenté de façon à chaque fois différente, par des tiroirs, des jeux de glissement, des extraits musicaux ! Le tout montrant bien à quel point cette bande-dessinée s'adresse aussi aux adultes (je réalise que tout cela m'est complètement passé au-dessus lorsque je les ai lues enfant, mais... quelle bonne occasion de les relire !).
Je pense que vous aurez compris à quel point cette exposition m'a enthousiasmée ! Prévoyez bien deux ou trois heures pour profiter de tout ce que l'on peut écouter et lire... surtout qu'en rentrant on n'a qu'une seule envie : reprendre au tome 1 !