Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
A quatre mains
27 mars 2014

La Cour de Babel

enfants du paradis     Voilà des semaines que j'étais désireuse de voir La Cour de Babel... parce que le sort de ces enfants m'intéresse, que j'ai moi-même plusieurs heures avec des élèves d'UPE2A (ex-classe d'accueil), et que je suis toujours curieuse de voir quel reflet de l'école le cinéma renvoie à la société. Et bien je n'ai pas été déçue !

 

 

(Prudence, l'abus de commentaires provoque la nausée.)

 

      « Jʼétais jurée dans un festival de films scolaires. Brigitte Cervoni et sa classe y participaient. Des adolescents venus des quatre coins du monde sont arrivés avec leurs visages, leurs accents et une énergie hors du commun. Jʼai eu très envie dʼaller voir comment ça se passait dans une classe dʼaccueil. À la rentrée scolaire, je suis tombée amoureuse de la nouvelle classe de Brigitte Cervoni. Cʼest rare de voir autant de pays représentés dans une même classe. Ils avaient des caractères et des talents très différents, très marquants. Jʼai eu envie de commencer tout de suite à tourner…» dit la réalisatrice sur le site de Mediapart.

      Et c'est exactement ce que l'on ressent en regardant ce documentaire. Evidemment, dans une classe ordinaire toutes les personnalités se mêlent, se croisent, se supportent. Mais dans une classe d'accueil, tout cela semble exacerbé, parce qu'aux personnalités se mêlent les cultures, les religions, et les sensibilités, mises à fleur de peau par les difficultés permanentes que rencontrent ces enfants. Plusieurs scènes donnent bien à voir les moqueries qu'ils subissent venant des autres élèves du collège, qui eux parlent le français sans se poser de question. Les difficultés à vivre ensemble, aussi, parfois, lorsque les pratiques, les places des uns et des autres se trouvent perturbées par rapport à ce qu'ils ont pu connaître (ne pas oser prendre la parole, apprendre autrement, ne surtout pas donner son avis, mais aussi ne plus se préoccuper des castes, des différences sociales et voir se cotoyer des élèves qui ne l'auraient jamais fait dans leur pays d'origine...). Toutes les cartes sont bousculées et redistribuée ici, comme le dit une des élèves du film : «je suis née une nouvelle fois dans cette classe. »

      Comment mieux dire que lorsqu'on ouvre la porte de la salle, c'est le monde qui entre ? Quel rôle plus important peut-on avoir que celui d'accueillir ces enfants pour leur donner le meilleur de ce qu'on a à leur offrir : une langue, une liberté, une chance nouvelle et une possibilité d'échange avec les autres ? Il faut y croire en tout cas.

     J'ai pu lire que le film était larmoyant : personnellement je sais déjà comment risque de s'achever mon dernier cours alors que 17 d'entre eux partiront pour leur collège de secteur, et qu'il faudra les laisser partir avec toute la confiance possible. Là plus qu'ailleurs se nouent avec les élèves des liens très forts, parce que les enjeux sont bien plus grands que pour n'importe quelle autre classe du collège.

     J'ai pu lire aussi sous la plume de Jean-Louis Auduc qu'il s'agissait d'une "intégration pour les bisounours". Ah. Nul doute que quitter son pays, même dans les meilleures conditions (tous ne sont pas exilés ou réfugiés politiques heureusement), en laissant derrière soi sa maison, ses amis, ses rues doit relever du bisounours ! L'énergie dépensée, l'adaptation, l'intégration dans un cadre différent (le climat, l'attitude des autres élèves de l'établissement, les violences institutionnelles) sont des questions très bien esquissées par le documentaire, et une fois encore très comparables à ce que je peux voir autour de moi. Et c'est bien pour cela que les classes d'accueil restent une nécessité ! Parce que c'est précisément comme ça que ça se passe.

      Ce film est beau parce qu'il rappelle l'idéal de l'école (qui nous anime d'ailleurs tout autant dans les classes ordinaires, mais qu'il est bon de ne jamais oublier, même lorsqu'on a l'impression d'un mur qui se détruit à chaque pierre ajoutée. Or avec les primo-arrivants, impossible de l'oublier, il y a tant de progrès, tant de choses à faire, tant de sourires !), sans faire d'angélisme néanmoins car il brasse toutes les problématiques que soulèvent ces élèves : leur apprendre à comprendre, leur donner les clés pour se débrouiller dans ce pays, mais sans qu'ils oublient leur langue, leur culture (quelle tristesse d'en voir déjà qui hésitent pour écrire quelque chose dans leur langue d'origine...), et sans oublier nous-mêmes la richesse de ceux que nous avons en face de nous même s'ils ne peuvent pas encore l'exprimer (l'une de mes élèves a gagné avec sa troupe un prix national de théâtre en Moldavie, par exemple, un autre parle 6 langues), croire en eux tout en tenant compte des réalités dans lesquelles ils vivent (certains ne pourront pas assurer financièrement de longues études), tempérer leur envie d'aller en classe ordinaire quand ils ne sont pas prêts, les soutenir quand la difficulté les fait déchanter...

      Vous l'aurez compris, La Cour de Babel est une séance qui fait du bien !

     Et parce que je n'ai pas envie de les quitter, de magnifiques portraits de ces jeunes et de leur enseignante sont à retrouver ici => http://www.telerama.fr/cinema/les-destins-rassembles-de-la-cour-de-babel,109819.php#

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
M
Quoi de plus fiable que l'avis de quelqu'un qui est cinéphile et du terrain ? J'ai hâte d'y aller !
A quatre mains
Publicité
Archives
Publicité