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A quatre mains
11 mai 2011

Les pavots

P10 Voilà dix ans, à quelques jours près, que ton papa a été opéré du cœur.

 Les pavots sont ouverts.

Leurs enveloppes vertes et piquantes, ressemblant à des bogues, se sont déchirées et les ont libérés. Les pétales se sont dépliés et se défroissent, rouges au-dessus d’un tapis de minuscules fleurs blanches. Le cœur, noir, presque violet, laisse s’échapper une poudre de la même couleur qui se dépose sur les pétales. Agitation des insectes.

 

Chaque année à ce spectacle, je m’en souviens.

Ton père était à l’hôpital pour des semaines. J’enveloppais ton frère dans mon gros ventre. J’avais la mission de veiller sur lui, de l’abriter. Je voulais surtout le protéger de l’inquiétude. Il me tenait compagnie, je lui parlais beaucoup, lui racontant où était son papa, ce que nous allions faire dans la journée ou le lendemain. Je n’étais pas seule ; il était avec moi.

 

C’était des journées chaudes et ensoleillées de fin de printemps. Travail, aller-retour à l’hôpital, appels téléphoniques des proches pour avoir des nouvelles. Et aussi l’attente, les différentes étapes vers la sortie de l’hôpital, la maison de repos, les complications, puis à nouveau l’hôpital et l’attente. 

 

Le soir, le calme. A la fraîcheur, j’arrosais minutieusement le jardin. En compagnie de ton frère. Seulement des bruits lointains et feutrés des gens heureux d’être dehors, et les oiseaux. Je n’avais pas à me presser. J’ai vu les pavots s’épanouir, puis se faner, les uns après les autres. Plantes et animaux vivaient leur vie. Tout était reposant, serein. Mon rendez-vous quotidien avec la tranquillité.

 

Puis ton père est enfin revenu. Ton frère est arrivé au cœur de la nuit.

 

Il ne faut pas que j’oublie que ceux que j’aime sont fragiles et mortels.

 

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